Par Mélodie Vanesse

Le parc national de Yasuni, situé à l’est de l’Équateur en Amazonie, offre sur 9 820 km2 un exemple de biodiversité parmi la plus riche au monde. Il a été déclaré réserve de la biosphère par l’Unesco en 1989. Mais ce parc ne doit pas uniquement sa richesse à la variété de sa faune et de sa flore.

Son sous-sol regorge en effet de pétrole, ce fameux or noir qui représente près d’un quart du revenu national. Faute d’avoir reçu assez d’argent de la communauté internationale pour la non-exploitation du pétrole dans le parc, Rafael Correa, président de la République d’Équateur, a finalement décidé en 2013 d’autoriser l’exploitation du pétrole dans le parc.

 

De l’importance du pétrole en Équateur

L’Équateur, avec une population de près de 16 millions d’habitants et un PIB de 94 milliards de dollars, extrait chaque année plus de 500 000 barils de pétrole brut par jour, représentant 60% de ses revenus. Cette politique extractive est majoritairement dirigée par PetroEcuador, l’entreprise nationale qui gère 53% de la production.
Après le Mexique, le Brésil et le Venezuela, l’Équateur arrive en 4e position des pays d’Amérique latine producteurs de pétrole.
Il est le plus petit membre de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) mais possède près de 3% des réserves de pétrole de l’Amérique latine et se place au rang de 28e producteur de pétrole dans le monde en 2013.

 

La biodiversité du parc de Yasuni

Le parc national de Yasuni rassemble à lui seul une plus grande diversité d’amphibiens que dans toute l’Europe, une plus grande variété d’arbres qu’au Canada et aux États-Unis réunis, et plus d’espèces d’oiseaux et de mammifères que partout ailleurs.
Les millions d’années de stabilité écologique ont permis à la région de devenir l’une des plus importantes réserves de biosphère au monde.
Le parc de Yasuni est également situé à côté de la réserve ethnique des Huaorani, abritant deux tribus d’hommes libres qui y vivent dans l’isolement le plus total, bien loin des trépidations de la civilisation moderne.

 

L’engagement fragile envers la communauté internationale

C’est dans ce contexte qu’en 2007, Rafael Correa prend l’initiative de renoncer à l’exploitation du pétrole dans le parc national de Yasuni en échange d’une contrepartie financière.
Cette initiative est appelée Yasuni ITT, sigle créé d’après les noms des trois zones de forage possibles : Ishpingo-Tambococha-Tiputini.

Les centaines de millions de barils de pétrole gisant dans le sous-sol de Yasuni représentent environ 20% des réserves de pétrole du pays et plusieurs milliards de dollars.
L’Équateur demande donc à la communauté internationale une compensation s’élevant à 50% de la valeur du pétrole présent dans la réserve, soit un total de 3,6 milliards de dollars sur 13 ans.
En renonçant à ce pétrole, l’Équateur entend protéger la biodiversité, les populations autochtones et l’Amazonie.
En 2011, constatant que l’initiative Yasuni ITT ne connaît pas le succès attendu, Correa menace de rompre son engagement si les 100 millions de dollars prévus ne sont pas versés avant décembre.
Mais en 2013, alors que l’ONU n’a recueilli qu’à peine plus de 10 millions de dollars et 116 millions en promesses, le président de l’Équateur Rafael Correa décide de mettre fin à son initiative.

 

Puits de pétrole et biodiversité : deux notions incompatibles

La politique extractive dans la région amazonienne a des conséquences catastrophiques sur la forêt équatorienne.
Lorsque l’on sait que le forage d’un puits de pétrole vertical produit jusqu’à 3000 m3 de déchets liquides et 500 m3 de déchets solides, l’on est en droit de s’inquiéter au sujet des 130 puits de pétrole prévus dans le parc national de Yasuni.
S’ils venaient à voir le jour, ils rejetteraient des quantités monstrueuses de déchets toxiques.
En plus de la pollution avérée, les puits de pétrole ont des conséquences catastrophiques sur la forêt. La création d’une plateforme autour de chaque puits induit la déforestation d’un hectare et demi en moyenne. Ajoutons à cela les voies d’accès et les infrastructures et nous obtenons une déforestation dramatique, qu’elle soit directe ou indirecte.
Les eaux extraites en même temps que le pétrole se déversent dans la nature. En quantité quatre fois plus importante que le pétrole extrait, les eaux toxiques risquent de mettre en danger la faune, la flore et les populations indigènes de la région.

 

Une catastrophe annoncée

L’exploitation pétrolière du parc de Yasuni pourrait avoir de nombreux et néfastes impacts sur l’environnement, mais aussi l’économie, la culture et la politique du pays.

Impacts environnementaux
• La pollution due aux déchets rejetés
• La déforestation due à l’installation d’infrastructures et de plate-formes d’extraction
• Les écosystèmes affaiblis par un changement profond de leur environnement

Impacts sociaux
• Conflits entre les écologistes et les pro-extraction
• Augmentation du risque de violence et d’alcoolisme
• Détérioration du parc national
• Insécurité croissante aux frontières Pérou / Colombie / Équateur

Impacts politiques
• Augmentation des conflits dans la région
• Zones exploitées abandonnées par l’État
• Absence de soutien politique internationale

Impacts économiques
• Coûts élevés liés à la gestion des déchets et la sécurité
• Baisse du tourisme dans le parc national de Yasuni
• Diminution de l’économie d’auto-subsistance

Impacts culturels
• Risque d’extinction des cultures autochtones
• Changement radical de vie pour les peuples locaux
• Biodiversité endommagée

Le début de l’extraction du pétrole dans le parc national de Yasuni est prévu pour 2016.
De nombreuses associations, des organisations écologiques, des militants, des syndicats et des partis politiques dénoncent l’échec du sommet de Copenhague et appellent l’Union Européenne à soutenir le projet Yasuni ITT en Équateur.
Mais si aucune décision n’est prise d’ici là, la catastrophe pétrolière de Yasuni pourrait avoir lieu dès l’année prochaine.