Les peuples de l’Équateur

Par Hugues Derouard

Quechua, Awa, Shiwiar, Achuar, Shuar, Sápara, Huaorani, Siona, Secoya, Cofán, Epera, Tsa’chila et Chachi …
L’Équateur, 15 millions d’habitants, compte treize nationalités indigènes officiellement reconnues depuis 1998.

Ces peuples sont les descendants des habitants présents en Équateur avant la conquête du pays par les Espagnols au XVIe siècle. Les peuples indigènes vivent aussi bien dans la partie andine du pays que dans la région amazonienne ou encore sur la « Costa », la côte Pacifique.

Sur les 15 millions d’habitants que compte l’Équateur, les peuples indigènes représenteraient seulement 6,8 % de la population, selon l’organe de statistiques officiel du gouvernement.
Une proportion beaucoup plus élevée si l’on se réfère à l’organisation des Nations Unies qui, en 2004, l’estime à 43 % de la population, soit plus 800.000 personnes.

En octobre 1992, lors des célébrations des cinq cent ans de la découverte du Nouveau-Monde, les indiens d’Équateur –comme d’autres indiens d’Amérique latine– se sont faits pour la première fois véritablement entendre, en manifestant contre « cinq siècles d’oppression et de colonisation » : ils se soulèvent et paralysent le pays pour que l’on prenne en compte leurs revendications.
Ce mouvement sera en partie à l’origine de la reconnaissance des peuples indigènes en 1998 par l’État.

La Constitution de 1998, qui officialise notamment l’éducation bilingue, reconnaît en effet les peuples indigènes comme faisant partie de l’État équatorien, pour la première fois qualifié de « multiculturel et multiethnique ».
« Cette reconnaissance de la pluri-nationalité aujourd’hui en Équateur s’évalue en termes de luttes politiques et sociales qui ont été menées intensément depuis une vingtaine d’année par la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (CONAIE) et qui ont permis d’avancer en matière de reconnaissance juridique des droits des populations autochtones », analyse Hortense Faivre d’Arcier Flores, docteur en études latino-américaines.

A la suite de cette nouvelle constitution, le Conseil de développement des nationalités et peuples de l’Équateur (CODENPE) est créé. Cet organisme définit ainsi les peuples indigènes : « Des collectivités originelles, formées de communautés ou centres ayant une identité culturelle qui les distingue d’autres secteurs de la société équatorienne, régies par un système propre d’organisation sociale, économique, politique et légale ».

Les populations indigènes sont dès lors réparties en treize « nationalités » (nacionalidades).
La majorité d’entre elles vivent loin des zones urbaines et chacune a sa propre histoire, sa propre langue et sa propre culture.
La principale ethnie, celle des Quechuas (ou Kichwa), vit essentiellement dans les Andes.
Sur la côte pacifique se trouvent les Awa, Chachi, Epera, Tsa’chila et les afro-équatoriens, tandis qu’en Amazonie résident les Cofán, Siona, Secoya, Huaorani, Sápara, Shiwiar, Achuar, Shuar.

 

Quechua

C’est la nationalité autochtone le plus représentée –et la plus connue– en Équateur. Une nationalité composée elle-même de treize peuples dont les Otavalos et les Kayambis.
Ils vivent essentiellement dans la partie andine du pays, mais aussi dans l’ « Oriente » (la plaine amazonienne).
Ils parlent le kichwa, une langue proche du quechua. Ils travaillent dans l’artisanat (notamment la céramique et le textile), la musique ou les cultures de maïs, pomme de terre ou haricot.
La ville d’Otavalo, dans la province d’Imbubara, au nord de Quito, est célèbre pour son marché très coloré.

 

Tsa’chila

Ils vivent dans la province de Pichincha, près de la côte, isolés dans la forêt depuis que leurs ancêtres ont fuit les colons. Seules quelques centaines de famille vivent encore de manière traditionnelle. Une particularité bien connue : leur coiffure traditionnelle rouge –qui leur a valu le surnom de « colorados ».
« Historiquement, les Tsa’chila ont souffert d’une grave épidémie de fièvre jaune qui a décimé une très grande partie de la nation. Lors de cette épidémie, les chamanes tsachilas, à travers leurs visions, ont apprit que la seule façon de sauver leur peuple était que les hommes se coupent les cheveux (qu’ils portaient longs) et se les teignent en rouge avec des graines de roucou (arbre qui donne des fruits dont les graines sont un colorant rouge naturel). »
Aujourd’hui encore, certains d’entre eux continuent de se teindre les cheveux. Ils sont à l’origine du nom de la ville Santo-Domingo de los Colorados.

 

Sápara

Également présent au Pérou, ce peuple, à l’origine semi-nomade, vit aujourd’hui à l’est de l’Équateur, dans la province de Pastaza, à proximité des fleuves de la forêt amazonienne.
Ils étaient 100.000 avant la colonisation. Leur population est maintenant estimée seulement à quelques centaines de familles, leur culture est désormais menacée d’extinction.
« Quatre siècles d’histoire marqués par la conquête espagnole, l’esclavage, les épidémies, les conversions forcées, les guerres et la déforestation ont presque totalement décimé les Sápara, note l’Unesco qui a inscrit la culture sápara sur sa liste du patrimoine immatériel de l’humanité.
En dépit de ces nombreuses menaces, ils ont réussi à préserver leurs savoirs ancestraux. Les mariages mixtes avec les Mestizos et d’autres peuples autochtones (Quechua) sont pour beaucoup dans leur survie. Mais cette dispersion signifie également une perte partielle de leur identité. »

 

Shiwiar, Achuar et Shuar

Faisant partie tous trois des amérindiens appelés Jivaros par les conquistadors, ces peuples vivent à l’est de l’Équateur ainsi qu’au Pérou.
Les Shiwiar vivent le long du fleuve Corrientes, dans la forêt primaire, encore isolés puisque aucune route ni fleuve navigable ne mène jusqu’à eux (l’aérodrome le plus proche est à deux jours de marche).
Ils ne sont entrés véritablement en contact avec le monde occidental qu’en 1941, lors de la guerre opposant le Pérou à l’Équateur.
Ils sont environ un millier, répartis dans 9 communautés/villages.

Achuar signifie « peuple du palmier aguaje ». Cette communauté a ouvert, en pleine jungle amazonienne, un hôtel  » éco-responsable, le Kapawi », récompensé par l’ONU.

Les Shuar ont la réputation d’être un peuple guerrier, depuis qu’ils ont tenu tête aux armées de l’empire Inca puis, au XVIe siècle, aux colons espagnols, notamment grâce à leur connaissance extraordinaire de la forêt.
Dans l’imaginaire occidental, ils restent pour beaucoup associé aux tsantzas (les fameuses têtes humaines réduites) et aux pratiques médicinales liées à la consommation de plantes provoquant des visions.

 

Huaorani

Les Huaorani sont des chasseurs-cueilleurs entrés pour la première fois en contact avec le « monde extérieur » en 1956, et ont en partie préservé leurs traditions.
Ils vivent sur les rives amazoniennes des fleuves Napo et Curaray, sur un territoire qui comprend le parc national Yasuní.
En 2007, le gouvernement équatorien lançait l’initiative Yasuní-ITT, projet inédit consistant à ne pas exploiter les immenses réserves en hydrocarbures du sous-sol de la région en échange d’une importante contribution (3,6 milliards de dollars) des principaux pays consommateurs de pétrole.
Cette approche très novatrice (et controversée) n’a hélas pas fait long feu, le gouvernement y ayant renoncé en 2013.
En savoir plus sur l’initiative Yasuní-ITT.

 

Awa, Chachi, Cofán

La population awa se trouve non loin de la côte pacifique, au nord-ouest de l’Équateur. « Awa » signifie « homme ». Ils sont aujourd’hui principalement éleveurs.

Situés au nord-ouest, dans la province d’Esmeraldas, les Chachi se faisaient autrefois appeler les Cayapas. Ils gèrent notamment la Réserve Cotacachi-Cayapas. A proximité dans la même province, vivent les Eperas, quelques centaines d’indiens qui parlent la langue sapiedie.

Les Cofán forment quelques centaines de famille à la frontière entre la Colombie et l’Équateur, dans la forêt amazonienne.
Décimés par la guerre et les maladies lors de l’arrivée des colons, puis menacés par les constructions pétrolières, ils sont aujourd’hui à la pointe des luttes pour la préservation de l’environnement. Ils gèrent la réserve de Cuyabeno, et sont également en charge depuis 2002 de la réserve de Cofán-Bermejo depuis 2002. Au sein du parc de Cuyabeno, vivent aussi les Secoya, très proches dans leur culture des Siona.

 

Des populations en danger

Après des siècles de mépris et de spoliation, la reconnaissance des populations indigènes par la Constitution de 1998 constitue une avancée importante, le début d’une revanche sur l’histoire, même si la réalité ne correspond pas vraiment aux intentions déclarées.
Mais ces communautés restent extrêmement fragiles, menacées par la convoitise des industries minières, pétrolières ou agro-industrielles dans la course pour l’appropriation des richesses et des terres.
L’échec de l’initiative Yasuní-ITT symbolise la difficulté à imaginer de nouveaux modèles permettant de concilier développement et préservation, et malgré les mobilisations nombreuses, la disparition progressive des peuples indigènes semble inéluctable.